Généralités Le séchage de bols dégrossis a toujours été un défi pour les tourneurs. On doit confronter le désir de finir une pièce aussi vite que possible avec la tendance inhérente au bois de se déformer et de se fendre en séchant trop rapidement. Les tourneurs sur bois ont employé différentes méthodes pour optimiser la vitesse de séchage tout en minimisant la dégradation de la forme en cours de création. Au fil du temps, chaque méthode a acquis ses supporters et ses détracteurs quant à l'efficacité relative de chaque procédé. Un bon procédé de séchage doit être facile à mettre en oeuvre, économique et doit donner des résultats constants. Un procédé difficile à mettre en oeuvre, même s'il donne de bons résultats, aura peu d'adhérents. De même, un processus cher peut tenter un tourneur professionnel qui espère amortir son investissement, mais le coût peut être prohibitif pour le tourneur moyen. Toute méthode qui donne des résultats constants sans surveillance ou manipulations excessives sera largement profitable. La méthode de séchage la plus commune consiste à placer la pièce dans un sac d'épicerie en papier. La théorie veut que le papier perméable génère un micro-climat autour du bol. Celui-ci sèche lentement avec un gradient d'humidité faible dans les parois du bol. Cette méthode est efficace mais lente. Faire bouillir le bois augmente sa stabilité en rompant les cellules, ce qui permet à l'humidité de migrer plus facilement vers la surface pour s'évaporer. Cette opération nécessite du temps, un travail intensif et demande une place considérable pour une grande marmite et une source de chaleur. Comme la plupart des gens ne veulent pas faire bouillir leurs pots dans la cuisine, il faut monter une installation qui permette de le faire à l'extérieur et ce peut être un gros problème sous des climats frais pendant les mois d'hiver. Cela peut également être dangereux. Un de mes bons amis fut sérieusement brûlé quand une ébauche de plat se retrouva coincée dans une marmite d'eau bouillante, boucha l'ouverture et provoqua une explosion de vapeur. Ces dernières années, l'immersion dans du savon liquide a trouvé une certaine popularité. La théorie veut qu'il soit plus facile de tourner grâce à l'effet lubrifiant du savon. Les bols sécheraient plus rapidement et se fendraient moins mais certains rapportent une déformation non négligeable de la pièce finie. C'est mon expérience du savon qui m'amena à l'immersion dans l'alcool que je pratique maintenant. Quand je fis des recherches sur l'immersion dans le savon et lut les discussions sur les forums de travail du bois, il se dégagea un consensus disant que c'était l'agent tensioactif du savon qui permettait le séchage plus rapide du bois. Une recherche dans le MSDS (material safety data sheet = feuille de données de sécurité des matériaux) sur plusieurs savons communément utilisés révéla que les tensioactifs étaient listés comme alcools. J'en déduisit que l'utilisation de l'alcool comme solution d'immersion pourrait être une méthode plus simple. Celui qu'on trouve le plus facilement au rayon peinture d'une quincaillerie est l'alcool dénaturé. Un gallon d'alcool dénaturé coûte entre 10 et 12 dollars. Une recherche sur l'Internet mit en évidence plusieurs exemples d'immersion dans l'alcool d'objets archéologiques pour, par un protocole compliqué, déloger l'eau afin de stabiliser et préserver des pièces de bois historiques. L'immersion dans l'alcool est utilisée en première étape du processus de remplacement de l'eau dans le bois bloqué dans un système stable et inerte qui maintient la forme de l'objet et prévient une dégradation ultérieure. Le fait que l'alcool soit utilisé pour déplacer l'eau dans des objets archéologiques laisse penser que cela pourrait aussi s'appliquer pour déplacer l'eau dans du bois vert et ainsi accélérer le séchage. Je fis un test, je tournai deux échantillons bols de tailles similaires et dans du bois identique. Je trempai l'un des bols dans l'alcool puis je séchai les deux de la même manière. Il existe plusieurs méthodes de séchage, de la plus prudente, un sac de papier, à la plus radicale, placer les bols à découvert sur une grille dans mon atelier chauffé et dépourvu d'humidité. J'enregistrai le poids, la date et l'heure du début du séchage puis le poids quotidiennement quand c'était possible. Quand le bol cessa de perdre du poids je le considérai comme sec ou en équilibre avec l'environnement. Les données montrèrent que des petits bols (de parois de ½" soit 12.7mm) atteignaient l'équilibre en 4 à 5 jours. J'utilisais ces données pour développer un processus rapide et qui donnait avec fiabilité des bols utilisables. Après une année, ils sont en bon état et prêts à être tournés quand j'en aurai l'occasion.
Autres essais Pour vérifier les résultats que j'avais obtenus avec le trempage dans l'alcool, j'ai demandé à plusieurs tourneurs de l'essayer. Je voulais avoir un échantillon de tourneurs ayant des expériences et des spécialités différentes. Parmi ceux qui fournirent des données, on trouve Bill Grumbine, Dominic Greco, Mark Kauder et Jennifer Shirley. Mark Kaufer a utilisé la méthode pour 3 bols, deux en aulne et un en sycomore. Il a acheté un plateau de 4" (~ 10 cm) de sycomore d'ambrosia fraîchement coupé et non scellé. Il en coupa trois ébauches de 16" (~ 40 cm) de diamètre et les dégrossit. Il utilisa la méthode de trempage dans l'alcool sur l'un et couvrit les deux autres d'Anchorseal. Quand il les sortit, un peu plus tard, ceux qui avaient trempé dans l'alcool avaient l'air secs et ne s'étaient déformés que de ½" (12.7 mm) dans le sens travers au fil. Quand il le tourna, il était sec et n'a pas bougé depuis. Les deux traités à l'Anchorseal s'étaient déformés et avaient rétréci d'1" (2.54 cm) dans le sens travers au fil. Ils avaient pris une forme de "pommes chips" ou de coupelle d'environ ½". Ils ont continué à bouger après reprise et remise au rond. Mark rapporte qu'il utilisera la méthode d'immersion dans l'alcool quand il tournera du bois massif. Dominic Greco a achevé plus d'une douzaine de pièces en utilisant la méthode d'immersion dans l'alcool. Il a utilisé la méthode avec de nombreux types de bois dont l'érable du Manitoba, l'érable de Norvège, l'oranger des Osages, le cerisier, l'orme de chine et le pommier. Quand on lui demanda quel fut le plus gros problème, il répondit: "Le morceau d'oranger des Osages s'est fendu pendant le séchage, mais je pense que c'était une fente déjà présente dans l'ébauche et non le résultat direct du séchage". Dominic utilise un testeur d'humidité pour déterminer quand un bol a achevé son séchage. Il rapporte qu'après deux semaines le taux d'humidité de sa pièce était de 6%. Aucune des pièces finie ne s'est déformée à l'heure où j'écris cet article et Dominic dit que c'est la seule méthode de séchage de bols qu'il utilise. Bill Grumbine utilisa la méthode de séchage par trempage dans l'alcool fin 2003 pour répondre à des commandes de Noël qu'on lui passa pendant une exposition d'artistes de Thanksgiving. Bill soutient la méthode avec enthousiasme. Jennifer Shirley trempa un bol en noyer avant de lire ce qui est écrit en petit, dit-elle, et le laissa quatre jours dans l'alcool. Lorsqu'elle l'en sortit, elle le laissa tout simplement à l'air sur une étagère. Quatre mois plus tard, le bol ne montra rien de plus que l'ovalisation normale quand elle termina le tournage. Conclusions Bien que j'ai collecté les données d'une manière cohérente et que j'ai tenté de maîtriser les variables, ceci n'est pas, au sens strict, une étude scientifique. L'étude ne prouve pas ma théorie sur la façon dont le processus fonctionne. Elle montre que l'immersion d'ébauches de bols en bois vert dans l'alcool réduit le temps nécessaire pour les amener à l'équilibre avec leur environnement. L'emballage de l'extérieur d'un bol réduit la déformation et la fissuration. Le processus est simple et relativement rapide. La dépense en alcool dénaturé est minime en comparaison avec les économies générées par la réduction du nombre de bols perdus, mais la plus grande économie est une économie de temps. Avec l'utilisation de la méthode d'immersion dans l'alcool, on ne compte plus le temps de séchage pour les ébauches de bols en mois mais en semaines. Dave Smith
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